Aujourd'hui encore, l'origine et le but de
la fondation de ce
monument ne sont pas exactement connus.
La tradition l'attribue à une prophétie. C'était en 1711 et malgré trois
années de mariage, La Reine Mariana d'Autriche ne donnait pas de signes
d'une fécondité pourtant si nécessaire à la succession de
la Couronne. Ce fait déplorable ne
laissait pas d'inquiéter la Cour. Or, un jour, se
rencontrèrent dans le Palais royal, I'Evêque grand aumônier Don Nuno da
Cunha, et un moine d'Arrabida, nommé Frei António de San José; tous deux
s'étant mis à parler de la stérilité de la Reine, I'Evêque supplia le
Frère qui jouissait d'une grande réputation de sainteté de recommander
le Roi à Dieu et le Frère aurait répondu d'une manière énigmatique: «Le
Roi aura des fils des qu'il le voudra». Cette réponse remplit
d'étonnement l'Évêque qui quelques jours plus tard demanda au Moine
l'explication de ces paroles extraordinaires: «Que le Roi, dit le Frère,
promette de faire construire un Monastère dédié à Saint Antoine dans le
bourg de Mafra et il aura un héritier». Dès que Jean V eut connaissance
de la chose, il fit le vœu solennel d'édifier le couvent s'il avait des enfants. Au bout de quelques
semaines, La Reine était enceinte.
Il semble pourtant que ce ne soit pas le Frère qui ait opéré le miracle,
mais bien la crainte qu'éprouvait la Reine de perdre
la Couronne. En
effet, le Duc de Cadaval aurait dit un jour au roi: «Il faut que
la
Reine s'efforce d'avoir des enfants, car c'est son devoir. Sinon, il pourrait lui arriver malheur». Devant cette menace,
la Reine se serait
décidée à faire taire ses dépits et à secouer ses froideurs provoquées
par les perfidies du roi, afin d'éviter la bulle
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de divorce basé sur
l'absence de progéniture, buIle que Jean V aurait
payée sans la moindre hésitation.
Le projet initial de construction était conçu pour
treize moines. Mais
le nombre des religieux s'éleva par la suite à quatre-vingt, chiffre
qui était déjà adopté lorsqu'on établit les plans. Finalement, en 1729,
Jean V résolut d'agrandir l'édifice afin de pouvoir loger 300 moines, ce
qui demanda la destruction d'une grande partie de I'oeuvre déjà réalisée.
Au concours, on présenta seulement trois projets: le premier, de António
Canevari, le second, de I'Abbé Filipe de Juvara, le troisième, de Jean
Frédéric Ludwig qui fut
adopté.
On raconte que celui de Juvara était
plus élégant et
plus gracieux, car il s'apparentait aux styles français de Louis XIV
et de la Régence, mais que justement pour cela il ne s'adaptait pas très bien au caractère national de I'époque.
Celui-ci était bien connu de Ludwig qui vivait au Portugal depuis 1713, ce qui
lui permettait de
satisfaire plus facilement les goûts de La cour. Toutefois, son choix
souleva de grandes protestations et on I'atribua à la protection de
la Cour et des Jésuites.
La pose de la première pierre eut lieu en 1717 et
fut accompagnée de
fêtes imposantes qui coutèrent 200.000 cruzados (400.000 frs. or). Au
début, 20.000 hommes de tous les corps de métier travaillèrent ensemble
au chantier. Mais quand, en 1729, le plan fut élargi afin de pouvoir abriter 300 moines et que le Roi
se fut engagé à procéder à la consécration de l'église en 1730, ce nombre passa à 47.000, puis à
52.000, gardés par 7.000 soldats. Certaines colonnes pesaient plus de
100 arrobes (1.500 kgs). Parmi les pierres les plus colossales, on remarquait celle du balcon
de la salle De Benedictione (elle pesait 2.112 arrobes et fut tirée par 100
paires de bœufs) et celle de la lanterne (de 96 m de circonférence et 13
de hauteur). La consécration eut lieu le 22 octobre 1730. Ce fut une cérémonie
extraordinaire de magnificence, la plus célèbre du monde: elle
ne dura pas moins de huit jours.
En même temps que les travaux d'ordre purement architectural,
s'effectuaient ceux de I'ornementation. De fréquentes commandes d'œuvres d'art ou d'objets nécessaires au culte étaient
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faites à Rome, à Venise, à Milan, en France, en Hollande, à Genève et à
Liège.
On ignore le montant des sommes que coûta
ce
monument. On l'a évalué à
28, à 48 et à 54 millions de cruzados (56, 96 et 108 millions de
frs. or).
Le couvent occupe l'espace considérable de 4 hectares, et son plan est à
peu près carré. Sans doute, c'est une œuvre lourde, peu gracieuse, mais
du moins pas aussi austère que l'Escorial. Parfait exemplaire de
la Renaissance italienne, c'est un admirable et grandiose édifice de bonnes
proportions et d'harmonie équilibrée dans l'ensemble. Raczinsky l'a
qualifié de «grand monument régulier et sa réalisation étonna le prince
de Licknowsky. Il comprend 880 pièces, 300 cellules, 4.500 portes et
fenêtres, 154 escaliers. En certains endroits, les fondations n'ont pas
moins de cinq mètres. Il est couvert de terrasses de tuiles légèrement
convexes à la mode orientale, d'où l'on admire le bel aspect de
l'ensemble
qui évoque une cité mauresque.
Quelques étrangers mal avisés voulurent considérer Mafra comme une copie
de l'Escorial, quelque grande que soient les différences entre les deux
édifices. Cette erreur d'appréciation est semblable à celles que font
ceux qui déclarent que le Palais de Queluz est une reproduction de celui
de Versailles. Il semble pourtant que cette critique défavorable
s'explique davantage par l'hostilité que l'on éprouvait à I'égard de
I' architecte que par conviction sincère.
Lors de La première invasion française (1807) qui provoqua le départ
de la famille royale pour le Brésil, Mafra fut abandonné. Une grande partie
des choses précieuses que contenait le monument fut emportée avec le
roi, et le reste fut saccagé. De plus, à cause de I'abandon complet
où il
est resté pendant plusieurs dizaines d'années, Ia somptuosité de cet
édifice n'est plus que l'ombre de ce qu'elle était jadis. Toutefois
l'église est encore digne d'admiration
pour ses trésors artistiques.
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