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João Paulo Freire e Carlos de Passos, Mafra, Col. Monumentos de Portugal, nº 1, Porto, Ed. Litografia Nacional, 1933

FONDATION DU PALAIS-MONASTÈRE

Aujourd'hui encore, l'origine et le but de la fondation de ce monument ne sont pas exactement connus.

La tradition l'attribue à une prophétie. C'était en 1711 et malgré trois années de mariage, La Reine Mariana d'Autriche ne donnait pas de signes d'une fécondité pourtant si nécessaire à la succession de la Couronne. Ce fait déplorable ne laissait pas d'inquiéter la Cour. Or, un jour, se rencontrèrent dans le Palais royal, I'Evêque grand aumônier Don Nuno da Cunha, et un moine d'Arrabida, nommé Frei António de San José; tous deux s'étant mis à parler de la stérilité de la Reine, I'Evêque supplia le Frère qui jouissait d'une grande réputation de sainteté de recommander le Roi à Dieu et le Frère aurait répondu d'une manière énigmatique: «Le Roi aura des fils des qu'il le voudra». Cette réponse remplit d'étonnement l'Évêque qui quelques jours plus tard demanda au Moine l'explication de ces paroles extraordinaires: «Que le Roi, dit le Frère, promette de faire construire un Monastère dédié à Saint Antoine dans le bourg de Mafra et il aura un héritier». Dès que Jean V eut connaissance de la chose, il fit le vœu solennel d'édifier le couvent s'il avait des enfants. Au bout de quelques semaines, La Reine était enceinte.

Il semble pourtant que ce ne soit pas le Frère qui ait opéré le miracle, mais bien la crainte qu'éprouvait la Reine de perdre la Couronne. En effet, le Duc de Cadaval aurait dit un jour au roi: «Il faut que la Reine s'efforce d'avoir des enfants, car c'est son devoir. Sinon, il pourrait lui arriver malheur». Devant cette menace, la Reine se serait décidée à faire taire ses dépits et à secouer ses froideurs provoquées par les perfidies du roi, afin d'éviter la bulle / 100 / de divorce basé sur l'absence de progéniture, buIle que Jean V aurait payée sans la moindre hésitation.

Le projet initial de construction était conçu pour treize moines. Mais le nombre des religieux s'éleva par la suite à quatre-vingt, chiffre qui était déjà adopté lorsqu'on établit les plans. Finalement, en 1729, Jean V résolut d'agrandir l'édifice afin de pouvoir loger 300 moines, ce qui demanda la destruction d'une grande partie de I'oeuvre déjà réalisée. Au concours, on présenta seulement trois projets: le premier, de António Canevari, le second, de I'Abbé Filipe de Juvara, le troisième, de Jean Frédéric Ludwig qui fut adopté. On raconte que celui de Juvara était plus élégant et plus gracieux, car il s'apparentait aux styles français de Louis XIV et de la Régence, mais que justement pour cela il ne s'adaptait pas très bien au caractère national de I'époque. Celui-ci était bien connu de Ludwig qui vivait au Portugal depuis 1713, ce qui lui permettait de satisfaire plus facilement les goûts de La cour. Toutefois, son choix souleva de grandes protestations et on I'atribua à la protection de la Cour et des Jésuites.

La pose de la première pierre eut lieu en 1717 et fut accompagnée de fêtes imposantes qui coutèrent 200.000 cruzados (400.000 frs. or). Au début, 20.000 hommes de tous les corps de métier travaillèrent ensemble au chantier. Mais quand, en 1729, le plan fut élargi afin de pouvoir abriter 300 moines et que le Roi se fut engagé à procéder à la consécration de l'église en 1730, ce nombre passa à 47.000, puis à 52.000, gardés par 7.000 soldats. Certaines colonnes pesaient plus de 100 arrobes (1.500 kgs). Parmi les pierres les plus colossales, on remarquait celle du balcon de la salle De Benedictione (elle pesait 2.112 arrobes et fut tirée par 100 paires de bœufs) et celle de la lanterne (de 96 m de circonférence et 13 de hauteur). La consécration eut lieu le 22 octobre 1730. Ce fut une cérémonie extraordinaire de magnificence, la plus célèbre du monde: elle ne dura pas moins de huit jours.

En même temps que les travaux d'ordre purement architectural, s'effectuaient ceux de I'ornementation. De fréquentes commandes d'œuvres d'art ou d'objets nécessaires au culte étaient / 101 /  faites à Rome, à Venise, à Milan, en France, en Hollande, à Genève et à Liège.

On ignore le montant des sommes que coûta ce monument. On l'a évalué à 28, à 48 et à 54 millions de cruzados (56, 96 et 108 millions de frs. or).

Le couvent occupe l'espace considérable de 4 hectares, et son plan est à peu près carré. Sans doute, c'est une œuvre lourde, peu gracieuse, mais du moins pas aussi austère que l'Escorial. Parfait exemplaire de la Renaissance italienne, c'est un admirable et grandiose édifice de bonnes proportions et d'harmonie équilibrée dans l'ensemble. Raczinsky l'a qualifié de «grand monument régulier et sa réalisation étonna le prince de Licknowsky. Il comprend 880 pièces, 300 cellules, 4.500 portes et fenêtres, 154 escaliers. En certains endroits, les fondations n'ont pas moins de cinq mètres. Il est couvert de terrasses de tuiles légèrement convexes à la mode orientale, d'où l'on admire le bel aspect de l'ensemble qui évoque une cité mauresque.

Quelques étrangers mal avisés voulurent considérer Mafra comme une copie de l'Escorial, quelque grande que soient les différences entre les deux édifices. Cette erreur d'appréciation est semblable à celles que font ceux qui déclarent que le Palais de Queluz est une reproduction de celui de Versailles. Il semble pourtant que cette critique défavorable s'explique davantage par l'hostilité que l'on éprouvait à I'égard de I' architecte que par conviction sincère.

Lors de La première invasion française (1807) qui provoqua le départ de la famille royale pour le Brésil, Mafra fut abandonné. Une grande partie des choses précieuses que contenait le monument fut emportée avec le roi, et le reste fut saccagé. De plus, à cause de I'abandon complet où il est resté pendant plusieurs dizaines d'années, Ia somptuosité de cet édifice n'est plus que l'ombre de ce qu'elle était jadis. Toutefois l'église est encore digne d'admiration pour ses trésors artistiques.

 
 

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