L'ÉTUDE qui va suivre fait
partie − elle en représente le premier chapître − d'un ouvrage
de caractère monographique sur la structure sociale de Mogofores, village
de 210 feux et de 250 familles, faisant partie du concelho d'Anadia du districte d'Aveiro et situé sur la route de Coimbra à Aveiro, à distance égale des deux villes. Ce village fait partie de la
Bairrada, cette région, petite de dimension, si nettement différente,
cependant, de tout ce qui l'environne, et présente tant sous l'aspect
de la composition des glèbes, du climat et d'autres conditions
naturelles, que du régime économique, tous les traits caractéristiques de la région. Comme tant
d'autres endroits de cette contrée argileuse, il aurait pû être désigné
d'un nom plus phonétiquement conforme à son caractère géologique et s'appeler, par exemple, Mogofores de Barro, ou
Mogofores de Bairro, comme tant d'autres lieux de la Bairrada: les
Abrunheira do Bairro, les Barrô, les Ois do Bairro, les Oliveira do
Bairro, les Paredes do Bairro, les S. Lourenço do Bairro, les Ventosa do
Bairro ou les Vilarinho do Bairro.
Mais, cette petite particularité mise à part, c'est un pays vinicole
avec des ceps disposés géometriquement, un relief modéré, un climat
maritime tempéré, des terres pliocéniques, argilo-calcaires, fertiles
et relativement faciles à travailler, des terrains bordés d'oliviers et de
pins, arrosés par des nombreux
ruisseaux, irrigués par une multitude de «noras» ou simplement − de puits à
cigogne, donc − agglomération-type du bassin hydrographique de la
Cértima, région du vin épais et parfumé à la fois, riche en tanin, bien
coté en France par les producteurs du
vin de Bordeaux qui l'utilisent puir couper leur vin trop léger, et
aussi au Brésil et en Afrique. La Bairrada possède aussi, grâce à
l'argile de son sol, aux bois et taillis très nombreux de «pinheiros»
et, enfin, à ses oliviers, des matières premières excellentes pour alimenter un tas d'activités industrielles et artisanales complément
heureux de son activité principale − la viticulture. Des scieries
mécaniques, des fabriques de céramique réputée, des pressoirs d'huile se
sont ainsi développés.
Mogofores desservi admirablement par les voies de communications se
devait naturellement de posséder une scierie mécanique,
/ 290 / assez importante, plusieurs moulins à huile, ainsi qu'une
industrie artisanale rudimentaire de pierres à construction.
A ces traits typiques puir la Bairrada il faudra ajouter cette
particularité avantageuse pour Mogofores d'être bien desservi par un
réseau de routes excellentes et par le chemin de fer à deux voies dont
la gare se trouve à Mogofores-même. Ce réseau et cette gare ont fait de
Mogofores un important centre de trafic, en stimulant par ce fait-même
l'industrie, l'artisanat et le commerce locaux.
Mogofores, comme on le voit, ne pouvait être mieux choisi pour
représenter les petites agglomérations humaines de la Bairrada. D'âge
probablement respectable, absolument typique pour ces conditions
naturelles et son régime économique, il semblait réunir toutes les
données caractéristiques d'un climat social typique pour cette région,
productrice de 200.000 hectolitres d'un viu excellent, de 21.000
décalitres d'une huile réputée, de milliers de tonnes de bois scié en
planches et en poutres et d'une céramique de construction, très
appréciée, dont les principaux centres de production se trouvent à
proximité de Mogofores, à Anadia, à Pampilhosa do Botão et à Oliveira do
Bairro.
.............................................................................................................................
Le principal but des études sur la structure sociale d'agglomérations-types
pour les régions, étant d'inventorier soigeusement l'état de choses existant, afin de déterminer le degré de leur
santé sociale et présumer de l'état futur de celle-ci, le chapître
historique de ces études devrait être consacré à faire revivre de telle
manière le passé de l'agglomération examinée qu'il puísse mettre en
lumière les procès structuraux de la petite entité et découvrir les
lois qui réglaient toutes «les actions et les réactions» sociales et
économiques.
Mais l'importance capitale de ces investigations d'ordre historique
consiste dans la possibilité de tracer le graphique de cette évolution
qui seul serait en mesure de permettre à renouer le présent au passé,
c'est-à-dire de rattacher la formation structurale de la société au
point ou celle-ci se faisait d'une manière spontanée et présentait, par
conséquent, tous les caracteres d'un
phénomène sociologique sain.
Enfin, c'est ce que l'on appelIe, avec infiniment de raison, faire de la
vraie histoire. Basée, en effet, sur des documents authentiques et
n'avançant que des affirmations controlables, l'étude de la formation
sociale d'une petite agglomération humaine constitue pour toute la
société et surtout pour une notable partie de sa population un
enseignement d'histoire particulièrement instructif et évocateur.
Contribution à la science, guide indispensable
pour législateurs et hommes d'Etat, élément de base de toute étude historique, les
enquêtes sur la structure sociale des petites entités − parties
intégrales du groupe national, sont ces trois
/ 291 /
choses à la fois. Puisse l'ouvrage sur Mogofores représenter
le modeste apport d'un étranger à l'effort scientifique portugais
sur ce secteur d'extrême importance.
*
* *
L' étymologie du Dom de Mogofores est inconnue. Cette
consonnance étrangère à la langue portugaise semblait déjà
indiquer l'antiquité du lieu. L'agglomération pouvait survivre des temps
très anciens, puisque nous la trouvons déjà mentionnée,
comme nous allons le voir ultérieurement, dans les documents
du début de la monarchie portugaise.
En tout cas, il est inutile de chercher des renseignements
historiques sur Mogofores dans les anciennes encyclopédies et chorographies. Celle, par exemple, du
Portugal Sacré et Profane n'en fait aucune mention, par un oubli de son auteur,
selon
la remarque critique de PINHO LEAL, auteur du Portugal Ancien
et Moderne, publié en 1875 / Dictionnaire de géographie, statistique, chorographie, héraldique, archéologie, histoire, bibliographie
et étymologie de toutes les villes et villages portugais /.
On ne trouve non plus trace de Mogofores dans une
Corografia portugueza e discripçaõ topographica do famoso reyno de
Portugal, par le Père ANTONIO CARVALHO DA COSTA (Lisbonne, 1708)
qui cependant mentionne bien les localités voisines de Mogofores,
comme Espairo, Outeiro, S. Mateus, Avelãs et S. Lourenço,
avec cette mention en ce qui concerne ce dernier, qu'il avait
reçu sou Foral du roi Afonso 3, en 1293.
PINHO LEAL, lui-même, ne parle qu'en termes
très vagues de Mogofores ou Mugofores, village de 80 feux, que
l'on appelle
aussi, parait-il, Mongofores ou Monfores. Le seul renseignement
historique sur Mogofores que l'on trouve chez cet auteur, est la
mention du Foral du roi Dom Manoel, qui a été octroyé à
Mogofores le 12 septembre 1514.
Un autre dictionnaire (manuscrit), le «Diccionario Geographico », t. 42, de 1758 (Arquivo da Torre do Tombo), consacre
à Mogofores une dizaine de ligues d'où l'on apprend que c'est
un «couto» de la «Commarca» de Coimbra avec 96 feux et
300 habitants.
Les éléments d'un autre dictionnaire semblable qui
se trouvent aux archives universitaires de Coimbra et dont le catalogue
a été publié
(1) contiennent déjà cependant sur Mogofores des
renseignements plus amples. Selon ces informations, Mogofores
avait, en 1721, 96 feux et 240 habitants. Des noms de donnateurs
sont cités, enfin, ces notes nous renseignent sur l' organisation
/ 292 /
paroissiale du village (V. volume lV, p. 307 de I'Arquivo do Distrito
de de Aveiro).
Par contre un livre tout à fait récent, celui de
A. E. REUTER
sur les Chancelarias Medievais Portuguesas
(2), mentionne Mogofores, comme ayant déjà existé en
1143, puisqu' il a été signalé
dans l' acte de donnation à Dona Marina Soares de la Villa de
Enchas (aujourd'hui Ancas, à 3 kil. de Mogofores) par le roi
Afonso Henriques en termes suivants: dividit cum Mogofores
et cum saa.
Ce n' est qu' en consultant les documents concernant les
paroisses voisines et notamment celles de S. Mateus, de
S. Lourenço et d'Anadia, que nous avons trouvé les traces des
droits seigneuriaux du Chapître, de I'Université et du cloître
de Santa-Cruz, de Coimbra, sur certaines parties de ces pays
séparés de Mogofores de 1 à 5 kilomètres. Cette constatation
nous amena à consulter les Tombos des archives du Chapître de
Coimbra qui ont été mis obligeamment à notre disposition par
M. António Gomes da Rocha Madahil, le distingué Conservateur
des Archives et du Musée d'Art de I'Université de Coimbra, jeune
érudit qui dirige avec une compétence consommée la revue d'histoire et d'éthnologie
Arquivo do Distrito de Aveiro.
L'idée n'a pas été mauvaise, puisqu'elle a permis de découvrir des documents authentiques sur Mogofores ou des copies
antiques de ces documents depuis 1226, et de reconstituer ainsi,
tout au moins dans ses grandes lignes, I'histoire de notre agglomération.
À cette date le roi Dom Sancho 2 l'offrit en donnation
(foi dada) pelos muitos e bons serviços que prestou à un certain João Dias (]oanni Dias) et à son épouse
D.ª Beatriz
(Domna Beatrice) le 29 juillet 1226, sans aucun doute des nobles
habitant probablement la région, peut-être même dans le voisinage de Mogofores, et qui avaient rendu et continuaient à rendre
à la couronne des servires, selon le dit document, multiples et
signalés. Le document authentique de cette donnation qui a été
faite au camps (cerco) d'Elvas et signée du roi ainsi que de l'archevêque
de Braga, des évêques de Lisbonne, de Coimbra,
de Viseu, de Porto et de Lamego, du Chef des Portiers, de
I'Aumônier royal, du Notaire, du Majordome et du Distributeur
de seigle, ne se trouvait plus au Tombo do Cabido de Coimbra.
Mais une note manuscrite du 18e siècle de ces archives reco'piait textuellement
le document et en conservait jusqu'à l'0rtographe de l'époque.
Cette carte de donnation stipulait que la
villa de Mogofores
était concédée jure haereditario in perpetuum habendam atque
possidendam et concedo ut faciatis de illa quicumque facere
/ 293 /
[Vol. VI
− N.º 24 - 1940]
volueritis tanquam de vestra propria haeredia,
au bénéfieiaire et à son épouse et donnait une description détailIée du
lieu (lugar).
Mogofores de l'époque était, d'après ce document, séparé
de la villa d'Outeiro dont les terres touchent actuellement celles
de Mogofores, par le carrefour de Pedra, et de S. Mateus,
localité qui se trouve actuellement à un kilomètre, par un monument archéologique
− Mamoa da Correga. Il était, d'autre
part, séparé de Famalicão (aujourd'hui à 1 kilom.) par un Porto de Cortixada, de Arcos (aujourd'hui à 2 kilom.)
par une autre Mamoa, ainsi que d'Ancas, de Sangalhos et de Vale de
Estêvão (Valle de Estephano) qui se trouvent aujourd'hui aussi
dans son voisinat inimédiat.
Tout ceci est jusqu'à présent parfaitement conforme à
l'état
actueI des choses. Ce qui surprend par contre, c'est l'extension
du Mogofores de l'époque jusqu'aux abords de Sá et de
S. Lourenço, qui se trouvent éloignés de 5 kilomètres de Mogofores et sont actuellement séparés de lui par d'autres paroisses. Enfin, d'autres localités qui entouraient à cette époque
Mogofores, telles que Barrio de Alvito, n'existent pIus à présent,
soit parce qu'elles ont complètement disparu, soit parte qu'elIes
se sont fondues avec les autres.
Le document fait encore mention de
mormourais qui se
trouvaient près de la route de Coimbra et de l'endroit Canavay
(appelé encore Portum de Canavay) qui existe encore aujourd'hui avec
un casal de ce nom, propriété de M. João Raposo
(3) qui
l'avait acheté à
un commerçant d'Anadia dont le père l'avait acquis du Général Joaquim Basílio Cerveira d'Albuquerque
e Castro, ancien ministre. Les blasons de cette famille noble ornaient
encore tout récemment le fronton de la vieilIe demeure.
L'acte de donnation de Dom Sancho II cite encore, comme
bornes-frontières du lugar Mogofores, un Porto de Sernada et
un Monte de Alvito Longo, dont les souvenirs se sont complètement effacés. Voici d'ailleurs le texte
latin et original de ce
document, tel qu'il nous est parvenu.
In Dei nomine. Haec est Carta donationis Et perpetuae firmitudinis
quam jussi fiere Ego Santius Dei gratia Portugulensis Rex vobis Joanni
Dias Et uxori vestrae Domnae Beatrice de illa mea villa de Mogofores quam habeo
in termino de Vauga Et istis terminis Circumdatur. In primis dividit Cum
VilIa de Outeiro per illum locum qui dicitur incruxiliadas de petris Et
deinde per mamoam de Carrega quomodo vadit ad mamoam Sancti Mathei
Et quomodo dividit Cum Sancto Laurentio Et Cum Sancto Matheo per
aquam de Vaeiri veniendo per ipsam Corregam ad portum de asinis ubi
dividit Cum Sancto Laurentio Et Cum Sancto Matheo Et deinde quomodo
dividit Cum Sancto Laurentio Et Cum Encas dividit per medium de Barrio
de Alvito sub portela de Eneas quomodo vadit per valem ad infestum ad
/ 294 /
Estratam veteram sub mamoa de escusa ad sumitatem de Valonga quomodo
dividit Cum Sá et Cum Sangalios Et deinde quomodo vadit ad mamoam de
Valle de Estephano sub mamoa de fonte purre quomodo vadit ad improo (sic) usque ad porto de Cortixada Et inde quomodo dividit Cum Familicam per
Ficulniam de Ripa rubea Et inde ad directum
per suos marcos quos ipsi inter se pusuerant Et inde quomodo dividit Cum
Arcos per mormourais Circa stratam Coimbranam Et inde ad directum
Quomodo vadit ad fluvium de Arcos Et inde per Canavay Contra Arcos Et
quomodo dividit Cum Cedoarxa per portum de Canavay Et inde ad directum
quomodo vadit ad montem de Alvito longo Et inde in directum ad portum de
Cernada Et inde ad Outeiral per ubi dividit Cum Villa de Outeiro. Ipsam Villam Vobis Et Cunctis successoribus vestris Concedo jure
haereditario in perpetuum habendam atque possidendam Et Concedo ut
faciatis de illa quiCumque facere volueritis tanquam de vestra propria
haereditate. Haec facio pro amore Dei et Beatae Virginis Mariae Et juro
multo Et bono servitio quod vos Joannes Dias mihi fecistis Et facitis.
Quicumque igitur hoc factum meum Vobis Et successoribus Vestris integrum
observaverit sit benedictus a Domino. Amen. Qui vero illud infringere
attentaverit iram Dei Omnipotentis incurrat Et quicumque ipse fecerit
successor Eius totum in irritum deducat. Facta fuit ista Carta in
obsedione de Elvis quatuor Calendas Augusti per meum mandatum Era
millesima ducentesima sexagesima quarta. Ego supra nominatus Rex qui
hanc Cartam mandavi fieri Coram subscriptis Eam roboravi Et in ea hoc
signum feei
+ Qui praesentes fuerunt. Domnus Estephanus Bracharensis
Archiepiscopus Confirmo. Domnus Martinus Portugalensis Episcopus
Confirmo. Domnus Petrus Colimbriensis Episcopus Confirmo. Domnus Suarius
Vlixbonensis Episcopus Confirmo. Domnus Suarius Elborensis Episcopus
Confirmo Domnus AEgidius Visensis Episcopus Confirmo. Domnus Pelagius
Lamacensis Episcopus Confirmo, Petrus Petri maior portarius testis.
Garcia Ordonis Xaquitarius testis Dominicus Scribanus repositarius
testis. Domnus Martinus Santii maiordomus Curiae Confirmo. Domnus
Martinus Joannis Signifer Domini Regis Confirmo. Domnus Guncalvus
Menendis Confirmo. Domnus April Petri Confirmo Domnus Gil Valasques
Confirmo. Domnus
Pomovis Confirmo. Domnus Fernandus Garciae Confirmo. Domnus Martinus
Pelagii Confirmo. Alphonsus Martinus Eichianus. Fernandus Gunsalvi
Cevadarius. Didacus Petri testes = Guncalvus Menendis Cancellarius
Curiae = Petrus Salvati Scripsit = loco
+ sigilli.
(Arch. de I'Univ. de Coimbra, «avulsos do Cabido da Sé», copie du 22
Août 1710).
Nous sommes donc bien en présence de Mogofores dans ses limites presque
actuelles et qui, ainsi délimité, ne pouvait
être déjà qu'une «villa» − un village − une agglomération,
quoique l'acte ne parle guere d'habitations et ne cite aucun nom
de ses habitants. Il est certain aussi que ceux qui y demeuraient − quelques familles
à peine − n'appartenaient pas aux
classes privilégiées et faisaient vraisemblablement partie des
«villãos» dont on ignore s'ils étaient des «herdadores», c'est-à-dire
des cultivateurs (lavradores) qui possédaient leurs terres
«librement et héréditairement» − situation assez semblable à
celle des propriétaires ruraux actuels, le foro ne désignant alors
que l'impôt et non le prix locatif − ou simplement des «malados» (colons-fermiers).
S'il en avait été autrement, Mogofores
n'aurait pas été donné à une famille noble en souveraineté et
/ 295 /
l'acte de donnation n'aurait peut-être pas manqué de fairé allusion aux
contrats d'«emprazamento» que l'on commence à rencontrer seulement, en
ce qui concerne Mogofores, au 15.e siècle. Il est, cependant, infiniment
probable qu'il n'y avait pas eu en 1226, de «herdadores» à
Mogofores, puisque soixante ans plus tard, la seule condition sociale
existant à Mogofores, comme nous allons le voir, était celle des «villãos»
− genre colons. Enfin, tous ces monuments archéologiques − ports et dolmens
− sont d'autant des témoignages d'un passé fort ancien.
Vestiges des époques antérieures à l'avénement de la monarchie
portugaise, ils semblent attester l'habitation de cette région et précisément
du lieu Mogofores dans les temps très réculés de l'histoire lusitanienne,
remontants au moins à l'époque romaine, puisque l'on a trouvé tout
récemment dans le parc de la propriété du dr. Manoel Luiz de Tavares, au
centre même de Mogofores, des briques et autres objets en céramique
appartenant à cette époque.
Que les lecteurs nous execusent
cette lecture par trop minitieuse du
document en question. Elle est due à l'antiquité de ce témoignage, le
plus ancien que nous possédions sur l'agglomération étudiée. Nous avions
voulu aussi fixer pour la postérité et surtout pour les générations de
Mogofores tous les détails véridiques concernant le passé millénaire de
leur village dont ils seront certainement avides de connaître le plus
complètement possible les péripéties.
C'est donc à un sieur João Dias qu'est révolu Mogofores par la volonté
du monarque au début du 13.e siècle. Le fait aurait eu son importance,
si la notice qui se trouve dans le cartório do Cabido da Sé (index des
anciens archives du Chapître, p. 118) en relatant que cette famille
n'avait pas longuement joui des droits royaux sur Mogofores, puisqu'en
1304, le 25 juin, il y a déjà eu mutation: de Mogofores contre un autre
domaine (détails plus bas) entre l'évêque de Lisbonne et le Chapître de
Coimbra, − et une autre de 13 ans plus ancienne dont nous allons
prendre connaissanee et qui est conservée dans les archives de la Mitra
(administration épiscopale), volume 17, p. 55, ne lui aurait pas ôté la
plus grande partie de son intérêt. Soixante-dix ans ne se sont pas
écoulés sans que les droits royaux sur Mogofores ne changeassent, en
effet, au moins deux fois de moins, puisque le document du Chapître ne
parle plus de Dias mais de l'évêque de Lisbbnne, comme seigneur des
droits royaux sur Mogofores, auquel succédèrent, en 1304, le Chapître et
la Mitra de Coimbra.
On serait, cependant, presque tenté de rapprocher le passage
par la propriété des droits royaux sur Mogofores de la famille Dias d'un
fait qui a été relaté dans un document manuscrit anonyme, découvert par
M. D. Fernando de Tavares e Távora dans une maison de Cantanhede (la Casa de Sepins). Ce document inédit datant
/ 296 /
de 1760, prétend que la ville d'Anadia située à 3 kilomètres de
Mogofores et où se trouve actuellement le siège du Concelho,
prend son nom, contrairement à ce que l'on croyait savoir, d'une dame Ana Dias, qui aurait habité dans des temps fort anciens
un casal sans importance au lieu où se trouve actuellement la
ville. Cette cultivatrice sans surface aurait réussi, à en croire le
document, dans la viticulture à tel point que le renom de l'excellent
vin qu'elle produisait et qu'elle vendait sur la route de Coimbra
aurait perpetué son nom et la quinta d'Ana Dias serait devenue le noyau
de l'agglomération Ana-Dia ou Anadia.
L'auteur anonyme d'un article fort documenté sur Anadia qui a été publié
dans la plaquette consacrée à Bairrada par les services de la propagande
régionale à l'occasion de I'Exposition du Monde Portugais, cite aussi à l'appui de cette thèse un autre document trouvé dans les archives de la
Casa Cabral, de Tamengos. Ce document manuscrit qui date également du
18.e siède,
se référant à la version précitée, explique pourquoi Anadia est partagée
en deux paroisses.
On serait donc tenté de reconnaître
− si les recherches du Dr. JOAQUIM
DA SILVEIRA n'avaient pas démontré le caractère apocryphe de cette
curieuse légende − que la donnation en 1226, à la famille Dias, de
Mogofores, fait authentique puisque confirmé par l'édit royal, rendait
la légende d'Ana Dias un peu plus véridique, car l'acte de donnation
semble témoigner en faveur de la présence vraisemblablement
déjà
ancienne de la
famille Dias dans la région d'Anadia
(4).
Cette digréssion légitime terminée, revenons maintenant à I'histoire de
Mogofores. Nous voilà en présence d'un nouveau seigneur du lieu ou plus
exactement de deux à la fois − le
Chapìtre de Coimbra, qui partagera ses droits avec l'administration
/ 297 / de l'évêque, comme nous allons le voir. Ces nouveaux
propriétaires des droits royaux, seigneurs directs de Mogofores,
conserveront leurs droits jusqu'à nos jours ou, tout au moins,
jusqu'à leurs extinctions par voie de rachats des foros ou de la
prescription de ceux-ci.
Voyons de près ces documents. L'un d'eux, le plus ancien, date du 22
avril 1291. C'est un acte de vente du lieu Mogofores avec toutes choses
lui appartenant, dont la copie figure
en tête du Cartório da Mitra au volume n.º 110, p. 55, V., sous
le n.º 17. Par cet acte une certaine Domna Sancha GUILElME,
«femme autrefois», comme le dit le document, donc veuve, de
Dom Pedro Pais, et qui était peut-être et même três probablement − tout porte à le supposer
− la seule héritière ou une des
héritières de João Dias, faisait savoir en présence de Martins
Vicente, notoire publique «de la terre de Vouga», qu'elle avait
vendu à Dom João Martins Suylaes, chanoine de Coimbra et de
Lisbonne, «tout l'héritage qu'elle possédait à Mogofores et à S. Matheus». Celui-ci était composé, énumere l'acte, de la
Quinta, du pré, d'un vignoble et des casais «qu'elle pbssédait
en ledit lieu».
Voici le texte authentique de ce document:
COMPRA DO LUGAR DE MOGOFORES
COM TODAS SUAS PERTENÇAS
Era de mil e trezentos e vinte e noue annos vinte e dous dias andados
de Abril Domingo em dia de Paschoa. Cognosuda Couza seja a todolos
prezentes, e aos que ham de vir, que este publico instromento virem, e
Ler
ouvirem, que em prezenca de mim Martim vicente publico Tabaliom em terra
de Vouga perdante as testemunhas, adeante escriptas Domna Sancha
Guilelme molher, que foi em outro tempo de Dom Pedro Paes Cidadam
de Coimbra prezente em Mogofores disse, e reconhece o Como vendera a
Dom Ioam Martins de Suylaes Conigo de Coimbra, e de Lisboa todo o herdamento, que ella havia em Mogofores e em Sam Mattheus a quintaa, e a
seara
da vinha, e os Cazais que ella há nos ditos Lugares, Com todolos Seos
termos, e Sas pertenças asi como ella os ditos herdamentos tragia, a Sa
mam, e em sa posse; e chamados, e prezentes todolos homens que moram
nos cazais dos ditos herdamentos, e a dita Domna Sancha meteo entom na pesesom dos ditos herdamentos, o dito Dom Ioam Martins, e deo a dita
Domna Sancha Seo poder Comprido a Domingos Pires dito Bacaquo cidadam de
Coimbra, que metesse em processom Corporal dos ditos herdamentos ao
dito Dom Ioam Martins, e o dito Domingos Perez Logo a esse dia meteo o
dito Dom Ioam Martins em Corporal pocessom de todolos ditos herdamentos,
e da Quintaã de Mogofores Com todolos termos, e direytos, que pertencem
a dita Quintaã, e aos ditos herdamentos de Mogofores, e de Sam Mattheus
pellas portas, e pellas chavez e pella telha da dita Quintaã, e por
ramos verdes,
e por terra, e por Colmo, e o dito Dom Ioam Martins, recebeo a pocessom
e recebeo todolos ditos herdamentos por Seos Livres, e pedio a mim dito
tabaliom que de todas estas Couzas Sobreditas lhe desse em the hum
publico estromento e eu dito tabaliom a rogo do dito Dom Ioam
Martins
/ 298 /
este publico estromento Com minha mam propria escrevi em testemoio de
verdatle, e este meo sinal aqui ruge que tal est. Que prezentes foram
Ioam Antonio Arcediago de Coimbra − Domingos Migueiz Priol de
Botom − Affonso Lopes Clerigo − Pay Fernandes − Domingos Lucas de Coimbra e
outros muitos. Lugar
+ do Sinal publico.
(Vol. n.º 110 do cartório
da Mitra [antigo n.º 17] − fl. 55 v.)
Le révérend père João Martins Suylaes ou Soalhães n'était
autre que le futur évêque de Lisbonne et archevêque de Braga,
nommé prince de l'Eglise en 1294, três considéré par le roi
Deniz qui l'avait comblé de faveurs. Il a institué ses terres
qui étaient nombreuses, puisqu'il avait reçu du roi tout ce qui
avait appartenu à son grand père Gonçalo Viegas Porto
Carneiro, en majorat de Soalhães qui est passé à ses héritiers. Il est mort en 1325.
L'autre document n'est qu'une notice du
17.e siècle conservée dans le
volume de l'index du Chapître. Il se borne à mentionner
un échange qui a eu lieu le 25 juin 1304 entre «l'évêque de
Lisbonne D. João et l'évêque de Coimbra D. Estêvão», par
lequel, «avec l'autorisation du Chapître», on a échangé les lieux
de Carvalho, Vordonho, Sercosa et S. Vicente qui appartenaient
«à la Cathédrale et à la Mitra de Coimbra» contre «les prazos
de Mogofores, Condeixa, S. Marcos et Ventosa».
Nous ne savons donc guère ce qui s'est passé à Mogofores de 1226, date à
laquelle ce village a été pris en possession souveraine par João Dias et
son épouse Dona Beatrice, à 1291, date à
laquelle une partie au moins, sinon la totalité du lieu, a
été vendue au futur évêque de Lisbonne. Mais à cette dernière date et
surtout 13 ans plus tard, comme il ressort des documents
cités, Mogofores n'appartenait plus à cette famille. Il avait
été alors la propriété de l'évêque de Lisbonne avant de devenir
partagé en 1304, entre deux propriétaires, souverains désormais
du lieu, le Chapître de Coimbra et la Mitra de cette ville.
Quant aux habitants des casais à Mogofores, ceux-ci
étaient-ils nombreux et de quelle catégorie sociale faisaient-ils partie, lors de la prise de posséssion de ce
lugar ou plus
exactement des droits souverains sur cette villa par les deux
nouveaux propriétaires seigneuriaux? Peu d'indices à ce sujet n'aient
transpiré de ces temps. Nous savons simplement qu'ils
avaient bien existé et que certains d'entre eux, comme il fallait s'y attendre, et probablement tous, restaient dans un état de
dépendance par rapport à Dona Sancha, car ils sont venus à
Coimbra le jour de la signature du contrat pour y apposer leurs
signatures de témoins. Nous savons même davantage − que ces
témoins habitaient les casais qui appartenaient à Dona Sancha
et ne pouvaient donc être que des «malados », emphytéotes
ou colons, peut-être, même, colons-serfs. Nous pensons,
/ 299 / enfin, mais ceci n'est qu'une supposition, que les tenants des
casais n'étaient pas encore des emphytéotes, car l'acte en question n'aurait pas manqué de
signaler l'existence des contrats d'emphytéose. Le premier document qui en fait état est le
compte-rendu détaillé d'une visitation de Mogofores par deux
écclésiastiques, O Cónego Alvaro Afonso et O Tercenário Fernando Afonso,
Prior de Sebal, envoyés par le Chapître avec
mission. Ils ont décri les lieux visités en 1450, dans un
document qui se trouve inclus dans un magnifique livre manuscrit sur
parchemin, de l'époque, dassé dans les catalogues des Archives de
l'Université de Coimbra sous le nom de Livro dos Pregos.
Les pages 22-28 de ce vénérable document constituent la
description faite par les deux chanoines, du prazo de Mogofores et du
Couto de l'évêque. Il en résulte cette première constatation: que Mogofores, ou du
moins une partie de celui-ci appartenant à l'évêque, était érigé en
couto avec toutes les prérogatives, qui étaient, comme l'on sait
grandes, attachées à ce privilège royal.
Les braves chanoines ont constaté tout d'abord la présence à Mogofores
d'un petit palais de l'évêque (paço do bispo) dont le locataire, João
Afonso de Arouca, marié avec Margarida Domingues, percevait le montant
des foros. Il exploitait en plus un domaine en emphitéose pour deux
générations (le texte à cet endroit n'est pas précis et il se peut que
l'allusion à l'emphytéose ne concernait que le prazo et non la quinta,
considérée comme casal séparé, qui pouvait lui être confiée aux mêmes
droits qu'aux autres caseiros-colons).
La quinta était
cloturée par un très bon mur à l'intérieur
duquel se trouvait, en plus du casal une porcherie couverte de tuiles,
un puits que João Afonso de Arouca a construit et un chais en
construction en Pierre et en bois. Le terrain était couvert de
vignobles qui ont été plantés par l'emphytéote en question.
João Afonso de Arouca et
Margarida Domingues, son épouse, payaient pour
le prazo de Mogofores 100 livres de l'ancienne monnaie tous les ans, qui
valaient alors 500 chacune. Le document de prazo, que l'emphytéote avait
montré aux chanoines, stipulait aussi que la deuxième génération
payerait 110 livres. Les chanoines ajoutent qu'ils ont recommandé au
sieur João Afonso de Arouca la bonne administration du prazo.
Que d'indications inestimables pour un historien et
un sociologue
contiennent ces constatations et ces recommandations,
notons ceci en passant, car notre sujet nous interdit de nous en
occuper davantage.
Le domaine donné à João Afonso de Arouca en emphytéose était entouré de
plusieurs casais. Les délégués du Chapître les énumèrent tous. C'est
ainsi que l'on apprend les noms des cultivateurs qui y démeuraient:
Afonso Esteves et sa
/ 300 /
femme Eleonora Afonso (casal Ribeiro dont le nom est donné aujourd'hui par les habitants
du pays à un quartier à l'intérieur même de l'agglomération), Afonso Domingues et sa
femme Margarida Lourenço; Alvaro Anes et sa femme Senhorinha
Peres (casal Juncal dont le nom est donné aujourd'hui au quartier de l'école);
Violante Martins, mariée autrefois avec João Esteves, natural de
Vacariça, et on disait que son mari était en Afrique;
Alvaro Anes,
originaire de Fonte et sa femme Maria Peres;
(5) la veuve de
Afonso Anes, aveugle (casal de Vale de Estêvão, localité qui voisine aujourd'hui
avec Mogofores); João Peres et sa femme Branca Afonso (casal
de S. Mateus − localité à 1 kilomètre aujourd'hui de Mogofores); Vasco
Martins et sa femme Leonor Afonso (demi-casal à S. Mateus)
Gonçalo
Vicente et sa femme Guiomar Afonso (deux casais à Alfelas
− Iocalité qui
se trouve aujourd'hui à 1 kilomètre de Mogofores); João Fernandes et sa femme
Inês Gonçalves (casal Quintela − localité qui se trouve
aujourd'hui à 6 kil. de Mogofores, peut-être aussi le quartier actueI de
Mogofores, à son extrémité-sud, appelé Quinta).
Ces 10 ou 11 familles exploitaient 16 ou 17
casais, car
certaines d'entre elles dont les chefs étaient João Afonso de Arouca,
Afonso Esteves, Alvaro Anes ou Gonçalo Vicente cumulaient l'exploitation
de plusieurs domaines. Enfin, deux casais pour le moins, étaient non
seulement inhabités mais même inexploités, ce dont s'étaient plaints les
chanoines-visitateurs, tous les deux situés à Vale de Estêvão et qui
appartenaient, un
à l'évêque, l'autre au chapìtre. Autrefois Afonso Anes y habitait pendant plus de 70 ans et maintenant sa femme est aveugle
et ne
possède rien.
Le document parle encore d'une petite chapelle de Sainte Marie et d'un moulin à moitié délabré à côté de celle-ci et pour
lequel Afonso Domingues payait tous les ans une poignée d'ail et une
autre d'oignons, deux coqs et 20 soldes.
Tous ces domaines étaient confiés aux cultivateurs précités moyennant
des conditions presque identiques de foro, ce qui ne veut pas dire
encore qu'ils étaient loués en emphitéoses. C'est ainsi, précisent les
écclésiastiques, que le casal de Ribeiro payait 8 alqueires de blé de 1.e qualité et
8 alqueires de blé de 2.e qualité à titre de foro, et
encore 1 alqueire de blé à titre d'alcavala et aussi 5 alqueires de blé
à titre de fogaça et encore 1 alqueire de farine criblée et encore un
canard, un poulet, un
/ 301 /
coq et 3 poules au Noël et encore 4 soldes de l' ancienne monnaie, à titre d'eiradega,
et encore 30 soldes de l'ancienne monnaie, à titre
de montadego, et encore 2 almudes de vin. Le casal de Juncal payait un
foro exactement pareil; c' était aussi le cas des casais
exploités par les familles Vicente-Lourenço et Domingues-Lourenço. João Peres payait pour le
casal de S. Mateus à titre de foro 4
alqueires de blé de 1.e qualité et autant de blé de seconde
qualité, et à titre de fogaça 2 alqueires de blé propre et à titre
de leitiga − 18 dinheiros de l'ancienne monnaie et encore trois moitiés
(de mesure) de vin et encore un coq et une poule. Gonçalo
Vicente, qui payait le même montant de foro que ceux de Mogofores, était imposé, en plus,
de 2 almudes de vin et de 2 tigeladas à titre de Eiradega. Le domaine de Quintela payait, en plus du foro
habitueI, un canard et une épaule de porc qui devait avoir 9 côtes.
Les observations des chanoines projettent une lumière bien curieuse sur
le régime économique et social, comme on serait tenté de le dire en
termes modemes, − de l'époque. Ils parlent, par exemple, d'avoir
autorisé le jeune Alvaro Anes, qui avait planté une partie de sou
vignoble, de cultiver d'autres terrains, et signalent certaines terres
délaissées par un des «lavradores». (Afonso Domingues), comme c'était le
cas des deux casais à VaI de Estêvão ou ils ont obligé même la veuve
aveugle d'Afonso Anes d'habiter une de ces demeures. Cette pénurie de
bras explique sans aucun doute le montant insignifiant, au tout au moins
très bas, des foros.
D'autre part, les constatations faltes par les ecclésiastiques au
sujet du bon ou du mauvais entretien des cultures et des habitations et
le souci qu'ils se faisaient dans les récommandations diverses à
l'emphytéote et aux «caseiros» soulignent le caractère de propriété
totale des seigneurs directs de Mogofores. Enfin, ces notes détaillées
permettent de se rendre compte des usages et de l'état de l'économie
rurale: partout on cultivait des vignes qui semblaient s'étendre de plus
en plus au détriment du blé, on élevait non seulement des porcs, comme aujourd'hui,
mais aussi des boeufs et des vaches, le cheptel était nombreux, les
basses-cours bien garnies, les habitations étaient pourvues de
porcheries, caves, chais et pressoirs, on apportait le grain aux moulins,
on tuait le cochon que l'on débitait aussi sur le marché, on séchait les
graines et on chassait, on construisait, enfin, des puits
particuliers, prototypes de ceux destinés aujourd'hui à arroser les
terres par trop désavantagées par les longues périodes de sécheresse. Il semble, à la lumière de ces
notes et observations, que les méthodes de
culture n'ont pás beaucoup varié à Mogofores depuis 1450, et que l'idée
de ce que l'on appele aujourd'hui en termes courants, rationalisatión
des cultures, ne gagnait que très lentement les esprits des habitants du pays.
/ 302 /
Quant à la structure saçiale de l'agglomératian qui ne comptait alors
que quelques vingt demeures groupées autour du palais épiscopal et d'une
petite chapelle de la Sainte Vierge, les habitants semblaient
appartenir à une seule classe sociale, celle
des «malados» exploitant leurs terres conformément aux usages
du colonat puisque l'emphytéote du prazo entier de Mogofores, de la
partie de celui qui appartenait au Chapître et, tout porte à le croire,
aussi de celle de la Mitra, le seigneur du prazo de Mogofores n'était
autre qu'un de ceux-ci João Afonso (natif de Arouca) et que tous, ils
payaient, soit au Chapître de Coimbra, soit à l'évêque, soit, enfin,
comme c'était le cas de deux casais situés en dehors des limites de
Mogofores, à S. Mateus et à Alfelas, une
partie, sinon la totalité de leurs foros (qui pouvaient ne pas être que
des impôts fonciers) au Monastère de Santa Cruz à Coimbra − cas du
casal de Gonçalo Vicente à Alfelas, ou au senhor de S. Lourenço − cas
de Vasco Martins, du casal à S. Mateus.
Les familles semblent être, pour la plupart, apparentées les unes aux
autres. On ne trouve, en effet, que des Afonso, de Lourenço, des
Domingues, des Anes, des Fernandes, des Martins, des Esteves ou des
Peres, et deux familles, seulement, sur les 13 au 14 qui avaient été
nommées par les visitateurs, ne se répétaient qu'une seule fois: les
Vicente et les Gonçalves.
Les seigneurs des droits royaux, seigneurs directs de Magofores
− le Chapître et la Mitra, comme il résulte de ce document − étaient absents
du lieu, l'évêque seulement y possédait une résidence, n'habitée
probablement qu'à des rares intervalles ou louée même en totalité au seigneur du domaine utile. La rélation des
deux chanoines, si détaillée et si minutieuse, parfois, reste, enfin,
complètement muette au sujet de l'existence d'autres couches sociales.
Il est donc à présumer qu'il n'y avait pas, à
l'époque décrite, à Mogofores d'emphytéotes, de «herdadores»,
de domestiques (serviçais voluntários) ou d'artisans, ou s'il y
en avait, ce n'est qu'en quantité infime, le casal étant une entreprise
agricole et familliale de caractère patriarchal exploitée en colonat
selon les règles usuelles − qui correspondait à ce que l'on a l'habitude
d'appeler aujourd'hui une exploitatian paysanne aisée, exploitée par son
propriétaire directement ou par des fermiers ou même métayers, mais ne
recourrant pas à la main-d'oeuvre
salariée.
João Afonso de Arouca n'était, cependant, pas le premier
emphytéote du prazo de Mogofores, qui n'avait été partagé en deux,
partie Chapître et partie Mitra, que beaucoup plus tard. Il a été précédé, en effet
(6), en cette qualité et fonction par
/ 303 /
Vasco Lourenço qui, lui, devait être, par conséquent, le premier seigneur
du domaine utile ou prazo de Mogofores.
A João Afonso de Arouca succéda, en 1471, João Barradas, écuyer de
l'évêque de Coimbra, avec qui un «emprazamento» fut conclu le 11 mars
1471, quelques mois avant le décès de
João Afonso de Arouca, en prévision de la mort imminente de
celui-ci. Le contrat stipulait que Mogofores était donné à João Barradas
en «prazo» pour 3 générations aux mêmes conditions
qu'à ses prédécesseurs. Le nouveau seigneur s'engageait à
«vivre» à Mogofores et à «peupler» les casais de la quinta, ce
qui semblait confirmer les conclusions que nous avons tirées
des documents analysés, de 1291 et de 1450, au sujet de la structure
sociale de l'agglomération, à savoir que le seul
emphytéote était alors à Mogofores le seigneur du prazo
entier et qu'il n'y avait pas encore ni de sous-emphytéotes ni de
«vilãos»-propriétaires (herdadores). L'emphytéote, enfin, le contrat le
stipulait nettement, n'avait pas le droit de vendre
tout ou partie du prazo (de ses droits emphytéotiques) à qui
que ce soit.
A João Barradas succéda cependant déjà en 1478, après la mort de
ceiui-ci, le représentant d'une autre famille qui n'était
pas apparentée au défunt mais uniquement à sa veuve, João
de Sá. C'était déjà un noble, écuyer, comme João Barradas, «da casa do
Bispo D. João Galvão», comme ie précise le
document de l'emprazamento (Livro nº, Parte IV, P. 337), mais
aussi l'ancêtre des comtes de Anadia.
Le nouveau seigneur du «prazo», marié à Mecia Gomes,
était le gendre de Isabel Correia, veuve de João Barradas qui
renonçait en faveur du Chapître du prazo de Mogofores à condition
qu'il fut confié à «son gendre». Le nouveau contrat contenait cette
clause singulière, que le successeur pouvait être
désigné par l'emphytéote et celle, plus singulière encore, que le
contrat pouvait être rompu de part et d autre moyennant une indemnité de
50 livres.
En 1517, l'aforamento du
prazo de Mogofores a été confirmé
au fils de João, Aires de Sá e MeIo, fidalgo d'envergure, qui
habitait à 1 kilomètre de Mogofores, à Anadia, un palais démoli
seulement au début de notre siècle.
Ce n'est que beaucoup plus tard et, plus précisément, en 1686, que nous trouvons le
prazo de Mogofores partagé en
deux et confié séparément à deux seigneurs − emphytéotes −
du domaine utile. Celui du prazo chapitrial s'appellait, comme nous allons en prendre connaissance par la suite, Francisco de Melo de
Sampaio et celui du prazo épiscopal alors vaccant, (VoI. II, du
Cartório
de la Mitra, ps. 285-326) devait s'appeler, un peu plus tard, Manuel
Pereira de Melo Coelho.
Mogofores a reçu son foral le 12 septembre 1514, c'est du
moins ce qu'affirment M. MARQUES GOMES, auteur d'un livre
/ 304 / intitulé:
O Distrito de Aveiro, et PINHO LEAL, déjà cité. Nous
n'avons pas pu retrouver
(7) le texte de ce premier foral (qu'en
régistre aussi l'index des archives de la Mitra de Coimbra
(Vol. 6, p. 194), mais la copie du second, en date du 8 mai 1520,
donc concédé 6 ans plus tard, se trouvait au Tombo du Chapître
ou elle a été déposée après que le document fut récopié en 1780 à la Tour du Tombo, dépôt légal des édits royaux à Lisbonne, sur la
demande de Dona Maria Joana Rita de Bourbon pour son différend avec le Chapître de Coimbra ou plutôt à l'occasion de sa demande de renouvellement du prazo de Mogofores.
Nous voilà donc en 1520. Le 8 mai de cette année le
roi Manuel signa à Evora le deuxième foral de Mogofores. Le document est
intitulé Foral do Couto de Mogofores, mais le texte ne parle par deux fois que du Concelho. Cette carte de franchise
est pour notre étude d'une extrême importance, car elle enrégistre en quelque sorte la structure sociale
de Mogofores à
cette date.
Nous allons la reproduire en entier en corservant même
l'ortographe du document, publié déjà, du reste, dans la série,
de Forais du Roi Manuel I rélatifs au districte d'Aveiro, dans
le vol. VI de la revue Arquivo do Distrito de Aveiro.
FORAL DO COUTO DE MOGOFORES
Dom manoel
por graça de Deuz Rey de Portugal e dos Algarvez
daquem, e dalem mar em Africa Senhor de Guiné, e da conquista navegaçaõ Comercio da Ethiopia Arabia perçia, e da Judia &ª. A quantos
esta
nossa carta de Foral dada para Sempre a terra e concelho de Mogofores do
Bispado de Coimbra Virem Fazemoz Saber que por bem de Sentençaz, e
determinaçoens, gerais, e expçicais que foraõ dadas, e feitas por noz
Com os
do nosso Concelho, e Letrados acerca dos Forais dos nossos Reinos, e
dos
direitos Reais, e Tributos que Se por elles deviaõ de Arrecadar, e
pagar,
e aSim pellas inquiriçoenz que principalmente mandamoz fazer em todos os
Lugares de Nossos Reinos, e Senhorios e Certificadas primeiro com as
pessoas que os ditos direitos Reais tinhaõ achamos que os direitos foros
da
dita terra, e Concelho de Mogofores Se haõ de aRecadar, e pagar daqui em
diante da Manejra e forma Seguinte
/ 305 /
FORO DOS CAZAIS
Paga primeyramente Cada hum dos Sinco Cazais que ali há pelIa velha
hum quartejro, como vem a saber outo de trigo = e outo de Segunda,
Segundo a tiverem antes de ser dezimado, e mais pague cada cazal depoiz
de pago o direito de Raçaõ abaixo Seguinte de Cada Cazal huma Teiga todo pella medida Velha que fazem pella medida nova doze alquejre, e
meyo como vem a Saber os dezaçeis alquejrez de Sima do quartejro =
E pagaraõ mais de toda a Semente das terraz propiadas a estes cazais de
sinco hum de todo o paõ, e Legumes, e do Linho e vinho de seis hum =
E das terraz que novamente Saõ Rotas Saõ emprazadas
de outo hum
Segundo cada pessoa particullarmehte tem por Seus prazos, e cada cazal
hum capaõ, e tres galinhas, e hum Pato, e hum frangaõ e naõ pagam outros
direitos.
E o cabbido de Coimbra tem neste Lugar outros tantos Cazaes, e foros
como o Bispo que asim se lhe pagaraõ.
E pagam sse mais o dinhejro das vendagenz Segundo o foro Sobredito, que
Se pagaõ das terras que Se vendem.
Pagar sse há mais o terradigo acostumado convem a Saber do preço pelIo
que venderem outro tanto dinhejro quanto Se paga da terra de Reçaõ.
Despoiz de feito, e asignado este Foral atras de Mogofores nos foi Requerido por parte do Bispo, e Cabbido que por culpa e nigligençia de seus
procuradores ao tempo que se fez o dito Foral ficaraõ alguns foros, e
direitos que Sempre ahij pagaraõ Sem nenhuma contradiçaõ por bem do qual
por
corregim.to e petiçaõ que Sobre isso foi feita foraõ proguntadas todas as
pessoaz por juramento Judecialmente que as taes couzas aSim pagavaõ, e
por todos foi declarado que as couzas Seguintes que naõ vaõ neste Foral
se pagavaõ Sempre ao dito Bispo, e Cabbido Convem a saber que o dito Bispo tinha no dito Lugar in Solidum Sem cabbido humaz
cazas, e hum Serrado.
E aSim tem o dito Cabbido in solidum Sem
o Bispo outras Cazas Suas, e
mais hum Serrado junto da porta da vinha, e huma deveza ao penedo da qual
alguma, q. hé toda do Cabbido está em deveza, e outra em terra.de paõ.
Foy
declarado que os matos que se Rompiaõ dos ditos cazais, e Suas
demarcaçoens pagavaõ o foro de permejo entre o Bispo, e cabbido.
Item mais o Cabbido a deveza, e hum curral, que traz hy Fernão de
Afonço
de que se paga cada anno hum Patto, e pagaõ mais cada hum dos ditos Cazaes do Seu paõ proprio hum
alquejre de farinha de trigo, e hum
alquejre
de Sevada o qual Se pagava do monte maior e naõ do seu.
E pagavaõ maiz os ditos cazaes em cada hum anno dous almudes de vinho
pella velha que saõ quatorze mejas da medida Coimbraã, e alem disto
pagavam as Reçoens da terra segundo Custumavaõ, e foi declarado em seus titulos, e Escrituras.
E tem o dito Cabbido in sollidum dous Cazaes, e moinhos em Alfelloaz.
E tinha maiz in Solidum hum Cazal em Quintella dos quais Cazaes se pagavaõ
os foros Segundo Seus aforamentos.
/ 306 /
E por conseguinte tem o dito Bispo in solidum em Saõ Matheus douz
cazaes de que pagavaõ de sete hum da Raçaõ e naõ pagavaõ outro foro.
E
assim tem o dito, Cabbido in Sollidum hum Cazal, e mejo, e do meijo
lhe
naõ pagaõ foro Somente de Sete hum de Raçaõ, e do Cazal enteiro pagavaõ
de foro quatro alqueyres de trigo, e quatro de Segunda e dons alqueyres
de trigo por fugaça de Seo proprio, e tres meias de vinho que se chama
vinho de Maijo, e hum Capaõ, e huma galinha, e parte o paõ de Sete hum,
e o vinho de Seis hum.
Na Povoa de VaI de Estevaõ tem mais o Bispo, e Cabbido dous Cazaes de
Raçaõ de outo hum, de paõ, e vinho, e de foro Cada Cazal de trigo tres
alqueyrez, e tres de segunda pella medida nova, e cada cazal tres meyas
de vinho, e hum capaõ, e huma galinha Cada hum cazal, e a mesma Raçaõ de
outo hum e pagavaõ do Linho, e Legumes.
E tem mais o dito Bispo e Cabbido bons moinhos, e almoinha ahonde está
a hermida de que pagaõ a pençaõ, e foros Segundo se contem em Seu
aforamento.
E
as novidades Sobreditas -Levaraõ os Cazejros, ou Lavradores dos ditos
Cazaes, e terras aos Selleiros, e Adegaz que o dito Bispo e Cabbido tem,
ou tiverem no dito Lugar, e naõ a outra parte.
E os maninhos Saõ do Senhorio nos quaes Se guardaraõ nossas ordenaçoens das Sesmarias, e dar se ham com o foro Sobredito da terra, ou por
menos se o Senhorio quizer,
As quais Couzas a cada huma dellas mandamos que assim se cumpra, Como
atraz fica declarado Segundo pellas partes foi justificado asim, e taõ
Compridamente como a todas az outras atras declaradas no dito Foral &.ª
Feito em Evora em outo de Maijo de quinhentos, e vinte = El Rey
Ce document tortueux et difficile à déchiffrer semble confirmer la
situation de droit et de fait que nous connaissons déjà par la
description de Mogofores faite en 1450 par les chanoines
de Coimbra. La seigneurie de Mogofores, c'est-à-dire les droits
royaux sur Mogofores, continuaient à appartenir conjointement au Chapître
de Coimbra et à I'administration de I'évêque, mais
selom une clef que l'édit royal confirme et dont il donne tous les
détails. Dom Manoel précise − et ceci est plein d' enseignement
économique et social − que les nouveaux domaines, dont les emphytéotes
défricheront seulement les terres, payeront des droits, pour ce genre de
cas, coutumiers, c' est-à-dire bien inférieurs à ceux payés par les caseiros ou
lavradores des terres
cultivées et même, se plait à ajouter le monarque, le seigneur du lieu
peut, s'il le juge convenable, diminuer encore les montants de ces foros. Les nouveaux
casais payeront la moitié des droits à
la Mitra et la moitié au Chapître, comme quelques-uns des anciens, la
majorité de ceux-Ià, cependant, ne possédaient qu'un seul seigneur, le Chapître ou l'évêché, ce qui devait
singulièrement simplifier la comptabilité des exploitations.
/ 307 /
L'édit royaI fait un décompte assez compliqué des domaines
existants. Autant qu'il est possible de le comprendre, car le document
est parfois, quant à son sens, indéchiffrable, il existait alors à
Mogofores une vingtaine de casais, dont deux se trouvaient à S. Mateus
(Saõ Matheus), deux à VaI Estêvão (Estevaõ) et deux à Alfelas (Alfelloaz). Le foral mentionne encore le
casal
de Quintella, mais ne parle plus ni des casais de Ribeiro et de Juncal,
ni des ferres de Canavai et ne fait qu'une vague allusion à la chapelle
et au moulin y attenant. Il reste aussi muet au sujet de l'existence d'un «paço de bispo» et se contente
d'indiquer le príncipe (un grenier
et un chais à Mogofores), mais non l'endroit précis, ou les droits du
prazo devaient être versés.
Il est curieux de constater aussi des changements subvenus dans les
usages des réglements des foros. On ne paye plus en espèces mais,
exclusivement, en nature, les comptes en livres, dinheiros et soldos «de
l'ancienne ou de la nouvelle monnaie» ayant complètement disparu, tout
au moins momentanément, des aforamentos.
Mais la grosse révélation du document consiste dans
l'emploi par deux fois du terme concelho que l'édit royal substitue ainsi au terme de la
carte de donnation de son ancêtre, le roi Sancho lI, qui ne désignait
Mogofores que par le lugar. Il est possible que le concelho fut institué
sans aucun acte, comme dans bien d'autres cas, par la décision
unilaterale des habitants. Quoi qu'il en fut, un acte de cette
envergure, pris après délibération avec le conseil et les érudits au
sujei des «forais» de nos royaumes et de nos droits et tributs et après
consultation des sentences et déterminations générales, ainsi que des
résultats d'' enquêtes que nous avons fait faire dont tous les endroits
de nos royaumes et seigneuries attribuées aux personncs qui avaient les
dits droifs royaux, ne pouvait atribuer à la légère les privilèges du
concelho à un village sans que celui-ci ne fut érigé en concelho par un
acte ou une décision antérieurs. Ceci montre l'importance qu'acquérait
Mogofores au fur et à mesure de ses transformations démographiques et
structurales.
Mogofores, qui n'est aujourd'hui qu'une simpIe
paroisse,
n'a été privé des attributs du concelho qu'en 1836, lors de la réforme
administrative, et c'est ainsi que désigné encore par la carte de
division administrative, annexée au décret du 18 juillet
1835, il ne figurait plus comme tel sur la carte-annexe du projet de la
réforme judiciaire du 29 novembre 1836
(8).
Il est à regretter que l'édit royal ne fasse point mention des noms des
emphytéotes ou caseiros-colons. Un seul nom seulement, celui de Fernão
de Afonso, est incidentellement signalé.
/ 308 /
Mais, par contre, il est à présumer à la lumiere de l'esprit du texte, que la population de Mogofores ne se
composait
en 1520, comme en 1450, que d'une seule couche sociale − les
colons-Iocataires, que l'édit royal, lui-même, nomme «cazeiros ou
lavradores», mais non «herdadores», et dont le nombre, quoique lentement, progressait
cependant sans cesse, puisque l'on
continuait à défricher la ferre.
Nous ignorons ce qui s'est passé à Mogofores depois 1520
jusqu'à 1605. Mais à cette date il y a eu quelque chose de changé,
puisque le Chapîlre (mais non la Mitra) a donné la possession de deux
domaines à Mogofores à Sebastião de Figueiredo, en
emphytéose pour 4 générations. Ces deux domaines, précise une note qui se
trouve aux archives du Cabido se rapportant au livre 17 des emprazamentos, page 253, qui appartenaient au
prazo appelé de Mogofores et dont maintenant (la note n.º 31
était écrite le 22 avril 1820 et signée de deux chanoines, Albergaria
et Saraiva) est emphytéote Fernando Afonso Giraldes, le père du futur 1.er vicomte de Graciosa, ont été érigés alors en sous-emphytéose (en
1605), d'accord avec M. Aires de Sá, qui était l'emphytéote du prazo de
Mogofores. L'aforamento spécifiait encore que le sous-emphytéote du
prazo d'Orgal et de Carvalhal, dont il payait des rações sur tout
ce qu'il
récoltait ainsi que deux poules pour la sainte-Michel, − au seigneur du
domaine utile (à l'emphytéote du prazo − seigneur du prazo de Mogofores), avait le droit de désigner son successeur pourvu que
ce dernier soit son descendant direct. La priorité de vente de ce
foro,
était réservée non seulement au Chapître-seigneur
direct, mais aussi à l'inquilino − terme curieux et très rare − seigneur
du prazo ou du domaine utile de Mogofores. La note nous apprend, enfin,
que c'est sur la demande d'un Antonio Nuno de Araujo Cabral Montez qui
soIlicitait le renouvellement
des droits de ce sous-prazo que cette note a été rédigée. Cet
Antonio Nuno de Araujo Cabral Montez, qui était le frère de la dernière
sous-emphytéote du (sous) prazo d'Orgal et de Carvalhal, Ana Clementina
Cabral Montez, veuve de Francisco Zuzarte de Quadros
(9), qui le lui a
légué par testament, était le contemporain du seigneur du prazo de
Mogofores, Fernando Afonso Giraldes d'Andrade e Menezes, marié à
l'héritière du prazo D. Maria Joana das Dores de Bourbon de Melo de
Sampaio Pereira de Figueiredo, héritière de la maison de son père.
Il y a eu donc quelque chose de changé dans la structure sociale de
Mogofores. Nous voyons apparaître, en effet, à côté des emphytéotes du
prazo, des sous-emphytéotes, c'est-à-dire des petits seigneurs de
domaine utile qui jouissaient même, tout au/ 309 /
[Vol.
VI - Nº 24 - 1940]
moins en théorie, du droit de la vente de leurs droits emphytéotiques. Le document que nous venons de commenter fait
usage pour la première fois du terme «inquilino» pour désigner
le seigneur du domaine utile ou l'emphytéote du prazo. Enrégistrons ceci car cela nous servira d'indication extrêmement
utile par la suite. Sebastião de Figueiredo étant noble, il est,
enfin, à présumer que ces entailles au régime de la propriété
n'étaient faites, au début, qu'en faveur des familles nobles,
appartenant sans doute à la catégorie des «gentilhommes-campagnards».
Le prazo de Mogofores, précise une autre note que nous
avons cltée déjà, lorsqu'il s'agissait de donner Mogofores en
entier en emphytéose à Aires de Sá, a été accordé le 29
octobre 1663, par le Chapître, pour 3 générations à Francisco de
Melo Sampaio. Qui était donc ce nouveau venu, car la famille
de Melo de Sampaio n'était pas de la région, − et ce nouveau
bénéficiaire de l'aforamento de Mogofores et quelle était sa
position par égard à la famille Aires de Sá, qui détenait encore
en 1517 les droits emphytéotiques sur Mogofores?
Les livres héraldiques et plus spécialement un livre-manuscrit sur l'arbre généalogique des MeIo Sampaio, conservé pieusement par
la famille du colonel Luiz de MeIo Vaz de Sampaio
et qui m'a été donné de consulter, apprend, en effet, que
Francisco de Melo de Sampaio, noble chevalier en 1668, héritier
des majorats de son père et de sa mère, qui se trouvaient en
Trás-os-Montes, s'est marié en 1659, à Arcos (à 2 kilomètres de
Mogofores) avec D. Maria de Miranda Pereira, Senhora de
la Quinta da Graciosa, qui se trouve à 2 kilomètres de Mogofores, fille
héritière de Sebastião Pereira de Miranda, seigneur
de la Quinta da Graciosa et des prazos de Figueira e de Mogofores.
Munis de ce précieux renseignement, reprennons le
fil de
notre examen. Le document clair et précis, que nous venons
de citer, établit donc que le prazo de Mogofores a passé en 1663,
aux mains de la famille Melo de Sampaio, sans préciser que
ce transfert avait eu lieu directement de la famille Aires de Sá que
nous savions être l'emphytéote du prazo depuis 1478, à celle de Melo de
Sampaio ou d'une autre manière.
Cependant le livre 19, fl. 30, des archives
du Chapître, comble cette lacune. Il nous apprend, en effet, que la famille de Sá
avait possédé le domaine utile de Mogofores de 1478 à 1614
(les «inquilinos» du prazo étant successivement: João de Sá, Aires de Sá,
le «licencié», en 1517, le fils de celui-ci Aires
Gomes de Sá qui a renoncé à l'emphytéose en faveur de Sebastião de Sá le 6 avril 1552
et, enfin, Aires de Sá, date à laquelle
les droits emphytéotiques sur Mogofores furent vendus avec l'assentiment
du Chapître par Aires de Sá à un certain Francisco
Coelho de Carvalho qui les a vendus de même, le 8 avril 1620,
/ 310 /
[Vol.
I − N.º 24 − 1940]
à Marcos de Figueiredo. C' est ce dernier qui demanda, trois
ans plus
tard, au Chapître, le délai de la quatrième vie ayant expiré, le
renouvellement du prazo en sa faveur; ce qui lui avait été accordé le 13
août 1623 pour 3 vies. L'acte d'emprazamento s'exprime ainsi à ce sujet:
«Au nom de Dieu, Amen; sachez tous ceux qui verront ce
document en trois vies qu'en l'ânnée de 1623 le 13 août
dans cette ville de Coimbra en la cathédrale... ... dans la maison du
Chapître de la dite cathédrale, lieu ou de semblables actes ont l'habitude de se faire, se sont réunis les dignitaires et les chanoines
de la dite cathédrale qui ont signé au bas de ce document... et devant
eux a comparu Marcos de Figueiredo, habitant à Vila Cova de Soavo
(Sub-Avô) et par lui il a été dit... qu'il a pour titre d'achat avec la
permission des seigneurs, il y a environ 3 ans... de la quinta de
Mogofores avec toutes ses dépendances desquels ils sont seigneurs
directs, de Francisco Coelho de Carvalho et de sa femme D. Brites de
Albuquerque qui l'ont eu de Aires de Sá e Melo également par titre
d'achat qui est dans les' documents de Lopo Andrade, notaire... le 29
juillet de 1614, et parce que au temps ou il l'avait acheté il payait à
eux, seigneurs et au dit Chapître... et le dit Aires de Sá avait été la
dernière vie au dit prazo, comme il ressortait du titre qu'il présentait
et qui avait été fait au licencié Aires de Sá, procureur à la Cour du
Roi, fait le 6 juillet 1517 par... et parce que lui avait fait le dit
achat avec permission... et qu'il avait payé les droits, comme il
ressort... le 8 avril 1620... comme il était vacant et que lui, Marcos
de Figueiredo, voulait faire des «bemfeitorias» (améliorations),
demandait... le renouvellement de l'emprazamento de la quinta avec ses
dépendances pour 3 vies... attendu qu'il était bon «inquilino» et que
toujours il avait payé les foros... tels que le possédait le dit Aires
de Sá e Melo et lequel comprend... terres, vignes, vergers, taillis,
foros, rações, casais et tout le plus appartenant à lui, Marcos de
Figueiredo...
...3 générations de 3 personnes et pas plus... 3200 reis...»
A Marcos de Figueiredo, cousin par alliance de Aires de Sá
e Melo, leurs femmes. respectives, D. Brites de Melo et D. Isabel de
Melo étant cousines germaines, succédèrent, comme seigneurs du prazo de Mogofores, ses deux fils Luiz de MeIo et, après la
mort de celui-ci, Francisco de Figueiredo. Celui-ci a légué ses droits
emphytéotiques sur Mogofores par testament à son neveu, Francisco de Melo de Sampaio (Saõ Payo), 'fils de António de Melo de Sampaio, cousin
germain de Francisco de Figueiredo. Le nouveau prétendant au prazo de
Mogofores, qui n'était pas d'ailleurs le seul, car il avait un
concurrent dans la personne de Marcos Brandão de Abrantes habitant le
village
/ 311 / de Sameice et qui se disait le parent le plus proche du défunt
Francisco de Figueiredo (probablement petit-fils de Marcos de
Figueiredo du côté de la fille de celui-ci), habitait la quinta de Graciosa qu'il avait héritée de sa femme Maria Pereira de Miranda,
héritière de Sebastião Pereira de Miranda, son père, qui a eu cette quinta par testament de son
oncle, Francisco Pereira de Miranda, qui la
construisit dans le «lugar de Arcos» (à 2 kil. de Mogofores) vers la
fin du 16.e siècle
(10). Ajoutons, enfin, que le mariage de Francisco de
Melo de Sampaio avec D. Maria Pereira de Miranda a eu lieu en 1659 à la
chapelle d'Arcos.
L'aforamento de Mogofores était donc fait désormais pour 3 générations
au profit du chef de la famille Melo de Sampaio − Pereira de Miranda en
1663, qui avait le droit, stipulaient les clauses du contrat, (p. 239 du
livre 21 des Emprazamentos du Tombo do Cabido) de désigner de libre
choix son successeur.
En 1769, donc un peu plus de cent ans après l'aforamento en question,
la veuve de second mariage du petit-fils de Francisco José de Melo
Sampaio − Joana Rita de Bourbon, a demandé au Chapître le renouvellement
du prazo de Mogofores à son profit et à celui de sa fille, Maria Joana
das Dores de Melo e Bourbon.
En effet, trois générations s'étaient écoulées
(11) avec la mort de José
de Melo de Sampaio, qui était fils de Luiz de MeIo de Sampaio et
petit-fils de Francisco, et le prazo devenait vacant. Il a falIu donc
renouveler l'acte d'emphytéose. C'est à l'occasion de cette demande que
fut recopié par le Révérend Père docteur Martinho do Amaral Pessoa le Foral de 1520, et dressée, par la même occasion, la liste des
«inquilinos», qui étaient tous probablement des «herdadores», avec
seulement l'obligation des foros de Mogofores.
C'est ainsi que la liste − annexe du Foral comprend les noms suivants
des propriétaires tenus à payer, au seigneur du domaine utile, les foros et
rações.
/ 312 /
«ROL DOS INCLINOS QUE POSSUEM FAZENDAS NO COUTO DE MOGOFORES
PERTENCENTES, AO PRAZO DO REVERENDISSIMO CABBIDO
DA SÉ DE COIMBRA DE QUE HÉ UTIL SENHORIA
A EXCELLENTISSIMA SENHORA DONNA JOANNA RITA
DE BOURBON DA SUA QUINTA DA GRACIOSA
E SÃO OS SEGUINTES»
(Liste des locataires qui possèdent des parcelles au Couto de Mogofores
appartenant au prazo du révérendissime Chapître de la Cathédrale de
Coimbra duquel est seigneur utile l'Excellentissime Dame, dona Joanna
Rita de Bourbon de sa Quinta da Graciosa) qui sont les suivants):
I. «Couto de Mogofores»
1. Antonio Rodrigues do Ribeiro
2. Alferes João de Souza Correya (sous-lieutenant)
3. Manoel João Ferreira
4. Os herdeiros (les héritiers) de Izabel Seabra, viuva de
Pedro Alves (veuve de)
5. Jozefa Maria, viuva de Antonio da Cunha (veuve de)
6. Maria da Conceyção viuva de Manoel Moreyra (veuve de)
7. Miguel Fernandes
8. João Francisco Castellão
6. Roza Soares viuva de Sebastiam Gomes de Seabra
(veuve de)
10. Os herdeiros de Joze Rodrigues do Forno (héritiers de)
11. Jozefa da
Cunha viuva (veuve)
12. Domingos Pinto de Vasconcellos
13. Os filhos de Joze de Barros (les enfants)
14. Mathias Francisco
15. Maria Gomes viuva de Louro (veuve de)
16. Manoel Nunes
17. Sebastianna da Cunha
18. Os mordomos da Confraria de Nossa Senhora (membtes
de la Confrérie de Notre Dame)
19. Izabel Seabra solteira (célibataire)
20. Maria de Almeyda viuva de Matheus Alves (veuve de)
11. Manoel
Moreyra
22. Joze Gomes Ferreiro
23. João Gomes Cepos o novo (jeune)
24. Os mordomos da Confraria do Senhor (membres de la
Confrérie de N. Seigneur)
/ 313 /
25. Maria solteira filha de Sebastião Gomes (céIibataire,
fille de)
26. Sebastião Gomes de Seabra
27. Os filhos de Maria de Seabra da Rua (Ies enfants de)
28. ManoeI Rodrigues do Forno
29. ManoeI Baptista
30. Manoel da Motta
31. Joze Dias
32. O padre ManoeI de Souza (abbé )
33. Joze Gomes soldado (soIdat)
34. Joze Jorge
35. O Reverendo Padre João Velles (Révérend Père)
36. João Gomes Cepos o velho (Ie vieux)
37. Francisca de Souza solteira (céIibataire)
38. Antonio João CaIhantruz .
39. Domingos João Fortuozo
40. Antonio João carpinteyro (charpentier)
4I. Antonio Joze Gameiro
II. «São Matheus» (à 1 kil. de Mogofores)
1. ManoeI João
2. Maria de AImeida
3. Jozefa solteira filha de Costodio dos Santos (célibataire,
flle de)
4. Os herdeiros de ManoeI João Apostolo (héritiers de)
5. Luis Vicente
6. Jozefa Maria viuva (veuve)
7. ManoeI Rodrigues
8. A viuva de ManoeI Marques (veuve de)
9. ManoeI da Encarnaçaõ
10. Bento Joze do Canto
11. ManoeI
12. Antonio João Carrinho
13. Os herdeiros de ManoeI João o Louro (héritiets de)
III − «Famelicam» (à 1 1/2 kiIom. de Mogofores)
1. Gonçallo AIveres
2. Antonio da Costa
3. Donna Bernarda (Dame)
4. Bento Ferreira
5. Inacio AIveres
6. Bento de Figueiredo
7. Os herdeiros de ManoeI João Fragoso
8. O Doutor Jullião Liborio (docteur)
9. Bento Joze de AImeyda
10. O Doutor Joze Ferreira Coutinho (docteur)
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