Ainsi fait le marteau:
Le verre il casse
L'acier il forge
(A. POUCHKIN).
C'est à minuit, que je veux
Te célébrer...
Libre traduction Ps. 92, 3.
JAMAIS on n'avait un tel besoin de fouiller dans
l'histoire comme
aujourd'hui. Est-ce, parce que nous sommes des témoins vivants de grands
cataclismes mondiales, ou peut-être, parce que nous cherchons des
réponses dans le passé sur tant de questions incomprises de nos jours?
Οϋδέν όςίζω!
*
* *
Mes pensées me rejettent dans le
XVème siècle. Moyen-âge en plein. Les
grands navigateurs et colons Portugais battent leurs récords. On rivalise dans les aventures. Des bateaux naviguent dans les mers inconnues.
Ces entreprises ont deux buts. Premièrement − découvrir. Deuxièmement − acquérir les richesses de nouveaux pays. L'initiative provient
d'habitude de la cour avec la bénédiction du Pape, pour combattre les
infidèles. Des Princes assoiffés de gloire, accompagnés de chevaliers
de l'Ordre du Christ, sont les principaux entrepreneurs.
Le soldat, le marchand, le navigateur sont tous possédés par une seule
idée: Acquérir! − La gloire − le premier, l' or
/
279 / − le second, les deux ensembles
− le dernier. L'aventure
nourrie par l'intrigue, esprit guerrier camouflé par prosélytisme,
le droit du plus fort, phantasmagorie et prestidigitation avec leurs
maîtres charlatans et jongleurs, remplissent les pages obscures de
I'histoire du moyen-âge.
Sombre minuit...
*
* *
L'horizon s'éclaircit pour un moment. Une grande étoile
apparaît sur le firmament, qui brillera bientôt sur le continent: lnfanta Santa Joana (La Bienheureuse Jeanne du Portugal).
Sainte Jeanne! Sou désir était d'être une soeur parmi les
autres et au fond de son âme elle l'était. Mais par ordre de son père le roi Alphonse V, le titre d'Infante lui reste. Et pourtant elle aurait été heureuse de s'appeler simplement Jeanne
− Jeanne
d'Aveiro.
Reprenons un peu I'histoire. Une fille de roi, de 19 ans,
(Alphonse V a du succès dans ses entreprises pendant son
règne) qui est héritière du trône, dotée par la nature d'une
beauté rare, ayant de propositions de mariage dans diverses
maisons royales de l'Europe (n'oublions pas que nous écrivons
sur le calendrier 1471), résigne de tous ces honneurs et richesses, et entre, abandonnant tous et tout, dans un Monastère qui
a la réputation d'être le plus rigoureux de son temps, le Couvent de Jésus, d'Aveiro. Quelles sont ces fortes raisons qui la
poussent vers ce pas?
Déception'? − Non! Aventure amoureuse?
− Non! Repentance de ses péchés? − Elle n'en a pas! Névrose religieuse alors? Peut-être!
Mais son désir d'accomplir cet acte nous montre
cette profonde passion qui n'est pas un phénomène
pathologique. Presque tous les Saints luttent contre le démon,
pendant que son extase religieux n'a rien du mauvais génie,
sauf la forme extérieure. Et puisque j'ai mentionné ce grand sentiment,
je me permettrais de dire que seulement la croyance
profonde, absolue, peut jouir d'une révélation, qui conduit vers
l'extase. Une fois cette limite passée, on considère ce monde
comme passager et provisoire, et ce n'est que la vie future, qui
apportera l'ordre bénie par Lui. lci commence la dissemblance
de rapport au monde terrestre. Conséquence: Renoncement de ce monde et
concentration totale sur sa tâche religieuse. De ce moment le personnage
s'impose à l'attention de son entourage et oblige de reconnaître sa
supériorité.
Quels sont les éléments psychologiques qui conduisent Jeanne vers cette
échelle? − Les mêmes qui sont le résumé
de chaque grande affectation de piété, toutefois marquée par
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280 /
des traits caractéristiques de sa personnalité, son sang, ce sang
qui est le même qui a coulé dans les veines de son oncle Don Fernando,
le noble martyr de Fez...
*
* *
Plusieurs sont les chemins, qui mènent vers la dévotion.
La pensée (rationalisme), décision de volonté (volontarisme) et le
sentiment (romantisme). La séparation de ces qualités mentionnées est le problème d'une analyse scientifique
de facto
ils s'unissent toujours et créent ensemble la piété. Séparée, chacune de
ces valeurs spirituelles entraîne vers une tendance
exclusive. Pensée-dogme, volonté-fanatisme et ascétisme, sentiment-enthousiasme,
vision. Même si la vie de Jeanne est fortement
marquée par une volonté fanatique
(*),
nous trouvons chez elle en large
mesure les autres valeurs citées, ainsi qu'une grande naïveté du coeur,
qui unies font la grande création de Piété. Les forces puissantes et
invisibles qui accompagnent chaque croyance commencent leur oeuvre. Les
impures, ils déforment dans une créature pathologique, maladive. La
crainte de Dieu, ce sentiment morale si prodigieux et surnaturel les
jettent dans un empire des ombres. Les expressions de leur souffrance
sont les orgies. Pendant que la peur religieuse se transforme chez les
élus en vénération et humilité devant l'Éternel, la chaste timidité (le
sentiment provenant des sources naturelles de profanes) avec la crainte
de culpabilité se transforme en
désir ardent de délivrance, passant par la repentance et la conversion.
Celle-ci dirige vers les sentiments supérieurs d'un rapprochement de Lui:
Amour et rejouissance de l'Immortel, cérémonie, bénédiction,
recueillement, gratitude, mise de sa confiance en Dieu. Telles sont les vibrations d'une âme humaine,
à qui cette ascension est accordée par faveur de la Nature. Telles sont
aussi les motifs déterminant la vie de Jeanne. L'opposition et la
résistance de son entourage ne brise pas sa décision. Au contraire. Elle
réveille le goût pour la lutte d'atteindre son idéal, qui est né dans
le sentiment le plus élémentaire − la peur. Superlativement: effroi, qui
fait frémir devant l'incompris et inquiétant inconnu «Divinité». Cette
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angoisse troublante, on la trouve dans les expressions des visages des idoles primitives, comme
nous la rencontrons dans
l'Ancien Testament sous le terme biblique PACHAD, la frayeur d'Isaac (Gen.
XXXI-42).
*
* *
C'est dans cette direction que mes pensées m' ont conduit
pour trouver une explication de cette vie pleine de vertu. On
comprendra facilement porquoi Jeanne la Princesse a accepté
avec joie les souffrances terrestres, sentant dans sa subconscience sa liaison avec l'Univers Divin. La nature faible, l'homme
mortel, se heurtant à de tels obstacles comme Jeanne, se briseront
en petites résignations. Elle, elle les surmonta, en forgeant son
immortalité comme tous les Saints passant tête haute par le chemin des
épines.
C'est dans le sombre minuit du moyen-âge, qu'elle s'unit avec
l'éternité et devient par sa conduite
μεσίτης δεοϋ καί άνδςωπων
Coimbra, Novembre 1940.
MICHEL KLINGER (KITEWER)
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(*) − flagella itidem iam incruenta, quam quae sanguinem elicerent (v.
Anacephalaeoses... avctore P. ANTONIO VASCONCELLIO; Coimbra, 1793.
Joanna
Lusitaniae Princeps, page 412).
Et aussi:
− tomãdo de cõtinu muy fortes deciplinas de Corda
e de sangue ë
algüas festas e dias é que tinha mais spicial devacõ. (v. Crónica da
fundação do mosteiro de Jesus... e memorial da lnfanta Santa Joana..., manuscrit contemporain publié par ROCHA MADAHIL, Aveiro, 1939; page 83).
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