LA VILLE DE PORTO

 

Comme toutes les villes dont l'origine se perd dans la nuit des temps, Porto a une histoire qui commence parmi des légendes.

Il semble néanmoins certain que le nom de Portugal provient, assez directement, de Portus Cale, installation première, près de l'embouchure du Douro, dont parlent les textes archaïques. D'une manière assez imprécise, il est vrai, et à tel point que les avis se partagent encore aujourd'hui sur ce point de savoir si c'était sur la rive gauche, à l'emplacement de l'actuelle Vila Nova de Gaia, ou sur la rive droite, sur les assises même de la ville de Porto.

Sur la foi d'un chroniqueur fameux du moyen âge, Fernão Lopes, on a répété jusqu'à nos jours que le Portacule castrum du temps des wisigoths se trouvait en face du Porto actuel.

Mais voilà qu'une interprétation sagace de l'itinéraire d'Antonin remet sur la rive droite la Cale du parcours de Lisbonne à Braga.

Quoi qu'il en soit, la primitive cité, ou mieux le vieux bourg a subi, au VIIIe siècle, l'invasion des arabes qui l'appelaient Bortkal, adoucissant et fondant en un seul les deux mots latins Portus Cale.

Reconquise de bonne heure, dès le IXe siècle, elle fut le théâtre de luttes acharnées entre chrétiens et sarrasins, et il semble bien que le lieu dit Batalha, c'est-à-dire, Bataille, sur une hauteur de Porto, prit son nom d'une action militaire, déroulée sur le versant ouest de cette colline, au fond de laquelle court un ruisseau, Rio Tinto, dont les eaux se seraient teintes du sang rouge des assaillants.

Les curieux d'antiquités trouveront d'amples renseignements dans l'ouvrage As Origens da Cidade do Porto du prof. Mendes Correia.

Pour le voyageur que les études d'histoire n'attirent pas particulièrement, Porto se présente comme une des villes les plus pittoresques de l'Europe, avec ses vieux quartiers montueux ou la patine du temps met des nuances de grisaille et vieux rouge qu'on ne trouve pas facilement ailleurs, ses points de vue élevés, qui offrent des aspects en plongeon d'un attrait inattendu, ses rives abruptes, par endroits taillées à pic sur le fleuve torrentiel qu'est le Douro.

Ce fleuve l'entoure d'un large lacet, traversé par deux ponts métalliques, en poutre-armée. L'un de ces ponts, le plus ancien, est une construction d'Eiffel, nous croyons même que son premier pont d'un seul arc à grande ouverture (voir planche n.º 10). Il sert de viaduc, pour le chemin de fer seul. Mais un kilomètre en aval, l'autre pont, à deux tabliers, plus lourd et plus récent (voir planche n.º 8) relie Porto avec la rive gauche du Douro, là où se trouvent les immenses chaix et les vieilles caves des exportateurs de cette précieuse liqueur de raisin, universellement connue sous le nom de «Porto», tout court.

L'aspect des quais de Porto, grouillant d'une vie active, ou les costumes paysans des environs se mêlent aux silhouettes citadines, les campagnardes riveraines qui apportent aux marchés de la ville les denrées savoureuses, depuis le pain de maïs de Avintes jusqu'aux fruits dorés et aux volailles, transportées / 14 / portés en des paniers et cages posés sur la tête, le trafic bariolé qui s'étale au soleil, sous les arcades de l'ancien mur, tout cet ensemble typique de la vie d'aujourd'hui dans un décor d'un vieux pittoresque, figé et unique, constitue un tableau inoubliable, d'un accent très particulier (voir planches n.os 8 et 9).

Mais pour embrasser d'un seul regard la vaste vallée du Douro, dominant l'eau et les quais, surplombant les toits qui grimpent en escalade les rocs, à nu par endroits, sur lesquels la ville s'est agrippée, il faut faire la traversée du pont D. Luís (voir planche n.º 8) et s'arrêter ça et là, à mesure que l'angle de vision se renouvelle et s'élargit.

C'est là, bien au dessus des mâts des voiliers et des steamers qui semblent, tout petits, des jouets d'enfants, que la ville vous apparaitra déployée dans sa courbe, hérissée de tours, d'un intérêt insolite pour celui qui aime à gouter la physionomie inexprimée des villes peu connues.

Sur la gauche, le fleuve s'élargit, et se peuple de mille et mille bateaux de toutes formes, les uns ronflant, d'un bruit lointain de ferraille, les autres silencieux parmi un essaim de barques où ils déchargent leurs ventres exotiques ou ouvrent toutes grandes les écoutilles dans lesquelles l'engouffrent des fûts de vin de Porto, des oignons et des oranges qui le soleil peint d'un rouge vif.

Quelques dizaines de mètres en aval de ce grand pont était situé jadis un pont sur barques, où une catastrophe eut lieu, lors de l'invasion des troupes de Bonaparte. Un bas-relief en bronze y commémore le triste événement (voir planche n.º 9).

À droite, ce n'est plus un aspect de ville, de port de l'Europe: d'un coté les rocs de granit descendent d'aplombe jusqu'à l’eau profonde, de toute la hauteur du pont, haut suspendu; de l'autre, la vue d'une ville, étagée sur des arcades gothiques, qui se serait effondrée, éboulée sur la pente raide conduisant inéluctablement aux eaux du fleuve. Des taches de maisons rustiques par endroits, équilibrées sur un pli de la montagne, un air de ville morte qui reprend son souffle après le cataclysme. Mais le tout si étrangement groupé et colorié, que vous ne regretterez sans doute de ne pas savoir peintre, pour fixer le caractère tragique et paysan de ce tableau sans pareil.

En amont, naviguent des bateaux rustiques, si primitifs qu'on les croirait venant de quelque peuplade millénaire (voir planche n.º 10). Ils viennent simplement du cœur de cette région privilégiée du raisin de Porto.

Mais revenons à la ville, à ses coins intérieurs, à son caractère propre.

Tout près du pont et se déviant légèrement de lui, un long pan des antiques murailles du XIVe siècle (voir planche n.º 6).

Puis, c'est le quartier de la cathédrale, berceau de la ville, avec ses ruelles sombres et irrégulières, ses maisons à encorbellement, où survivent des noms de métiers moyenâgeux, tels que Bainharia, Pelames et d'autres (voir planches n.OS 1, 2, 5 et 7).

Citons, entre toutes, cette relique du début du XVe siècle, la Maison des 24 (voir planche n.º 7), siège de la fédération des métiers qui, sous la présidence du juge du peuple, intervenait très activement dans la vie publique.

Plus loin et montant également du Douro vers le haut de la ville, le quartier Miragaia, dévisageant Gaia, et assis sur des arcades de toutes formes, en arc brisé les unes, sur d'élégantes colonnettes élancées, les autres. Tout près le Mont des juifs, et un peu plus loin l'escalier de l’Esnoga – vestiges expressifs des anciennes juiveries de Porto. / 15 /

 Au cœur de Porto, entre ses vieux quartiers, s'alignent les grandes artères modernes, quelques-unes longues de plusieurs kilomètres.

Un plan d'urbanisation récent en a modifié le noyau, c'est-à-dire, les alentours de cette place de D. Pedro (voir planche n.º 12) d'où part aujourd'hui une sorte d'avenue en éventail, colonne dorsale ou affluent des rues traversières qui relient les différents quartiers du centre commercial de Porto.

Remarquable par la hardiesse de sa construction et l'harmonie de ses lignes, la tour de l'église des Clérigos (voir planches n.º 13 et 15), œuvre rococo du XVIIIe siècle, ainsi que le temple.

Du XVIIIe siècle également date ce magnifique Hôpital de la Miséricorde (voir planche n.º 17) bâti par l'institution particulière qui porte ce nom.

Au centre des affaires maritimes se trouve, en face du Palais de la Bourse (voir la planche n.º 11) le monument à l'Infant Henri le Navigateur, l'âme des premières découvertes d'outremer, né dans cette ville, – tout près de la statue – à la fin du XIVe siècle.

À l'occident, en allant vers la mer, les jardins magnifiques du Palais de Cristal (voir planche n.º 18). Et plus loin, comme un recoin de banlieue élégante, semée de cottages et de belles demeures, la plage de Porto, la Foz do Douro, (voir planches n.os 21, 22, 23 et 24) avec ses longues promenades au long du fleuve et de la mer – cet Atlantique dont les Portugais ont tant subi l'attrait qu'ils en ont dévoilé les ténèbres.

 

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